Les travailleurs frontaliers lorrains

Les travailleurs frontaliers lorrains

Focus spatial
Grande Région SaarLorLux, Luxembourg
Langue(s)
Français
Introduction

Cet article s’intéresse aux travailleurs frontaliers résidant en Lorraine et ayant un emploi au Luxembourg et en Allemagne. Il interroge le rôle du travail frontalier comme mode de régulation du marché du travail.

Résumé

Le travail frontalier est un phénomène concernant un nombre croissant de personnes en Europe au début des années 2000. La Lorraine, important réservoir de main-d’œuvre et seule région française (avant la réforme territoriale) partageant ses frontières avec trois pays, est concernée par un flux majeur à destination du Luxembourg et un flux secondaire vers l’Allemagne, ce qui constitue un terrain d’études pertinent pour identifier les dimensions géographiques et économiques du travail frontalier. Le travail frontalier est analysé comme un facteur de régulation du marché du travail à travers son hétérogénéité, mais également la normalisation juridique qui encadre le statut de travailleur frontalier.

Contenu

Dans un contexte d’élargissement de l’Union Européenne et d’intensification des mobilités au sein de l’espace européen, cet article interroge cette forme d’emploi que constitue le travail frontalier, et qui concerne un nombre croissant de personnes au sein de la Grande Région Saar-Lor-Lux.

La première partie de l’article s’intéresse au phénomène de travail frontalier et commence par présenter le cadre géographique de l’étude : l’espace transfrontalier de la Grande Région Saar-Lor-Lux, considéré comme un laboratoire de la construction européenne au sein duquel plusieurs éléments (comme la proximité géographique, les langues communes, le passé industriel et minier…. ) favorisent le développement du travail frontalier. En2005, la Grande Région concentre en effet à elle seule 40 % des flux de travail frontalier de l’Europe des Quinze (OIE, 2005). Les problématiques du travail frontalier sont présentées, notamment ses formes (types de contrats …) et ses dimensions spatiales (déplacements, mobilité résidentielle…. ) malgré les difficultés posées par le manque de données harmonisées que soulignent les auteurs.

La seconde partie de l’article débute par un exposé de l’évolution des flux et de la structuration du phénomène dans la Grande Région. Puis aborde la normalisation juridique à travers les définitions fiscales et sociales du travail frontalier. Car le travailleur frontalier, défini par des États de résidence et d’emploi distincts, est «un hybride évoluant entre deux types d’économies, deux types de législations et souvent entre deux types de cultures» (Kessler, 1991). La définition peut être différente selon qu’il est considéré du point de vue de la sécurité sociale ou de la fiscalité. Du point de vue social, la définition du travailleur frontalier est donnée par le règlement européen (CEE no 1408/71) et son règlement d’application (CEE no 574/72), qui ont vu le jour au début des années 1970 et ont été modifiés depuis (par le règlement CE N° 883/2004 entré en vigueur le 1er mai 2010). Pour les aspects fiscaux, ce sont des conventions fiscales bilatérales entre pays qui évitent la double imposition des travailleurs frontaliers. Mais le travail frontalier est également un révélateur des limites actuelles de la coordination européenne. Des points épineux apparaissent dans le statut du travailleur frontalier : âge de départ à la retraite ou encore invalidité sont très variables d’un pays à l’autre et posent problème pour les carrières mixtes (des emplois dans différents pays).

Enfin la dernière partie, plutôt chiffrée, décrit les profils des travailleurs frontaliers et  insiste sur la grande variété des profils au sein d’un même pays de travail, mais surtout selon les pays de travail (spécialisation géographique) : les profils sont plus industriels en Sarre et plus orientés vers les services au Luxembourg.

Conclusions

Parmi les principales conclusions de cette étude : le travail frontalier est présenté comme un facteur de régulation  des marchés régionaux du travail au sein de la Grande Région. Il offre en effet des possibilités d’ajustement quantitatif de la main-d’œuvre (la Lorraine comme réservoir de main-d’œuvre pour les pays frontaliers) mais aussi qualitatif (les  besoins  en  qualification au Luxembourg  et en Sarre pourvus par les travailleurs frontaliers ). Ces différents processus sont encadrés par des règles spécifiques : règlement européen de coordination des systèmes de sécurité sociale, et conventions bilatérales pour les impôts. Il existe également des pratiques, des cultures et une histoire au sein de cet espace transfrontalier empreint de l’industrie sidérurgique et minière.

Le travail frontalier concerne principalement des personnes vivant à proximité des frontières : neuf frontaliers lorrains sur dix habitent à moins de 20 km des frontières au début des années 2000 d’après l’INSEE (concentration géographique). Il se caractérise par ailleurs par sa spécialisation géographique (les profils des frontaliers diffèrent en Sarre et au Luxembourg).

Par contre, si la normalisation juridique permet la définition d’un statut de travailleur frontalier en  précisant les règles sociales et fiscales, des points épineux apparaissent dans ce statut. Des limites peuvent en effet poser problème pour  la retraite ou encore l’invalidité des frontaliers ayant travaillé dans plusieurs pays différents. 

Messages clés

Le travail frontalier est un phénomène structurel, ancré dans les économies locales. Il permet une certaine régulation du marché du travail transfrontalier de la Grande Région en rendant possible des offres et demandes de travail de l’autre côté de la frontière. Néanmoins son ampleur révèle également les limites dans la coordination européenne. Les frontières nationales restent marquées dans les données statistiques (définitions, méthodes de collecte…), mais aussi dans la définition de la fin d’activité par exemple.

Auteur de la note
Contributions

Université de Lorraine

Centre d’études de populations, de pauvreté et de politiques socio-économiques (CEPS/INSTEAD)CEPS/INSTEAD)

Université  du Luxembourg

Personne de contact
Date de création
2019