Une approche empirique des initiatives d’aménagement transfrontalier du territoire en Europe

L'aménagement du territoire transfrontalier permet de créer ou de renforcer des continuités, des liens et des pratiques spatiales par-delà les frontières, entre des régions qui restent encore largement séparées par des différences, des déséquilibres, voire des tensions entre acteurs politiques ou entre les sociétés qui les habitent. Dans ce contexte, le rôle de l’aménagement du territoire transfrontalier est d’atténuer ces différences et de permettre un rapprochement des sociétés, en jouant directement sur la manière dont l’effet barrière des frontières peut être diminué, physiquement, dans l’espace. Cependant, la notion même d’aménagement du territoire reste mal définie, et elle varie fortement d’une région frontalière à une autre. En effet, il n’existe pas de compétence européenne en matière d’aménagement du territoire, et les acteurs au sein des différentes régions frontalières tentent d’innover à l’intérieur de cadres d’actions qui restent limités.

L’idée qui est à la base de cet article est de contribuer à mieux définir la notion même d’aménagement du territoire transfrontalier en Europe en s’intéressant aux résultats obtenus à travers les projets qui ont été financés par le programme INTERREG IVA et qui rentrent dans la thématique de l’aménagement des régions frontalières.

Pour ce faire, ce papier s’est basé sur l’exploitation d’une base de données (disponible sur https://keep.eu) existant sur l’ensemble des projets ayant bénéficié de financements européens lors de la période de programmation INTERREG IV A (2007-2013). 483 projets inscrits dans 24 régions transfrontalières de programmation ont été étudiés. Cet article permet de mettre en évidence que les pratiques regroupées sous l’appellation d’aménagement du territoire transfrontalier tendent à remplir quatre types de missions différents, qui correspondent a priori à quatre phases chronologiquement distinctes : (1) créer des réseaux d’acteurs, (2) faire de l’observation territoriale à l’échelle territoriale, (3) produire des stratégies transfrontalières, et enfin (4) financer des projets réellement concrets.

En première partie, un état de l’art met en évidence le flou qui accompagne la notion d’aménagement du territoire transfrontalier et souligne le besoin d’une meilleure définition ainsi que d’une compréhension commune des finalités de la discipline. La seconde partie précise les données utilisées, explicite la méthode utilisée, et mentionne également les limites inhérentes à l’exercice. Les parties suivantes présentent les principaux résultats, et l’article s’achève sur une discussion plus théorique portant sur les limites de l’aménagement du territoire transfrontalier.